LES LARMES DE YOSHIVieux chemin de Tokaïdo
-Sentier de cailloux et de dalles-
C’est pas à pas depuis Edo
A Kyoto, ville impériale,
Que j’ai marché dessus tes pierres,
Admirant tes allées antiques
Plantées de cèdres centenaires,
Face à l’Océan Pacifique !
J’ai médité dans tes jardins
Décorés au fil des saisons
Et, de septembre jusqu’à juin,
Vu refleurir tant de bourgeons !
Vêtue d’un simple kimono,
J’ai fêté « le temps des cerises »
Autour d’un bol de thé bien chaud,
Admirant les « hana », assise.
Mon vieux chemin que j’aimais tant,
Où sont tes cailloux et tes pierres
Que j’ai foulés il y a longtemps ?
Aujourd’hui, tout n’est que poussière !
J’ai prié dans tes sanctuaires,
En y laissant un peu mon âme,
Mais qu’il est loin le temps d’hier,
Il ne m’en reste que des larmes !
Sous mes pas, la terre a tremblé !
Cet Océan qu’on dit « serein »,
En un éclair, a dévasté
Tous mes « avant » et mes « demain » !
Maintenant, je n’ai plus de terre,
Hiroshima, Nagasaki
Tremblent à nouveau de colère :
Je n’attends plus rien de la vie !
Il suffirait d’une étincelle,
Une allumette en un fétu,
Pour souffler l’or de ma chandelle
Et tout ce qui fut mon vécu !
Ô vieux pont de Tokaïdo
-Sentier de cailloux et de dalles-
C’est pas à pas depuis Edo
A Kyoto, ville impériale,
Que j’aimerais, dessus tes pierres,
Marcher encore et, au matin,
Sous tes grands cèdres centenaires,
M’assoupissant jusqu’à demain,
Me réveiller dans la lumière
De ce soleil qui te baptise
Et, tout en frottant mes paupières…
…Voir que tout n’était que sottise !
Alors, m’asseyant sans mot dire,
Contempler le panorama
Du manteau neigeux qui s’étire
Tout en haut du Fuji-Yama !
© Antigone
(extrait de J’ai conjugué le temps)